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Responsabilité pénale des sociétés et fusion-absorption

Le 22 février 2022
Responsabilité pénale des sociétés et fusion-absorption

Dans un arrêt en date du 25 novembre 2020, la Cour de cassation a jugé que la société absorbante d’une opération de fusion-absorption pouvait se voir transférer, sous certaines conditions, la responsabilité pénale de la société absorbée, pour une infraction commise par cette dernière avant ladite opération.

Par cette décision, la Haute Cour opère un revirement de jurisprudence, rompant avec sa vision anthropomorphiste de la fusion-absorption, pour adopter une solution conforme aussi bien au droit de l’union européenne qu’à celui de la Cour européenne des droits de l’homme. 

 
La solution antérieure de la Cour de cassation

Dans l’arrêt susmentionné, les faits de l’espèce sont relativement simples. Une société a fait l’objet d’une convocation devant le Tribunal correctionnel en 2017 pour des faits d’incendie provoqués en 2002 par un manquement à l’obligation légale de sécurité et de prudence. Quelque temps avant cette convocation, la société avait fait l’objet, avec la société dont elle était la filiale, d’une absorption par une société tiers. Les victimes ont donc fait citer cette dernière à ladite audience.

La société absorbante s’est alors opposée à la décision des juges du fond qui ont ordonné un supplément d’informations afin de déterminer les circonstances de l’opération de fusion-absorption et éventuellement l’existence de toute fraude permettant de rechercher sa responsabilité pénale. En effet, sur le fondement de l’article 121-1 du Code pénal qui dispose que « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait », la société absorbante considère qu’elle ne peut faire l’objet aucune information judiciaire pour des faits antérieurs à l’opération d’absorption commis par la société absorbée, qui a, selon elle, perdu toute existence juridique.

La Cour de cassation rappelle en premier lieu sa jurisprudence constante selon laquelle le respect de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme empêcherait la poursuite pénale d’une société absorbante pour des faits commis par l’absorbée. Il s’agit d’une position qu’elle a maintenu, bien que dans un arrêt du 5 mars 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne ait interprété les dispositions de la directive du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, en ce sens que la fusion par absorption des sociétés anonymes entraîne la transmission de la condamnation économique à la société absorbante, pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion.

La Cour justifie cette position par sa conception anthropomorphiste de l’absorption d’une personne morale, qu’elle assimile au décès d’une personne physique. Ainsi, selon cette conception, l’absorption, entrainant la dissolution de la société absorbée, induit la perte sa personnalité juridique et l’extinction de toute poursuite ou condamnation pénale, tel qu’aurait été appréhendé le décès d’un mis en cause.

Le revirement de jurisprudence

Cette justification étant posée, la Cour reconnait que cette interprétation de l’article 121-1 du Code pénal doit être révisée car elle ne traduirait pas la spécificité de la personne morale ou de l’opération de fusion-absorption.

Le Code de commerce dispose en effet que l’opération de fusion-absorption entraine la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée, qui n’est pas liquidée, à la société absorbante. L’opération permet le transfert du personnel et également des actionnaires de la société absorbée. « Il en résulte que l'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération ». C’est sur ce fondement que la CEDH a jugé dans un arrêt en date du 24 octobre 2019 que la condamnation d’une société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion ne portait pas atteinte au principe de personnalité des peines.

La Haute Cour admet qu’une nouvelle interprétation est nécessaire, au risque de dénaturer le principe de la fusion-absorption et d’offrir aux sociétés un moyen d’échapper de façon simple à leur responsabilité pénale. Elle considère donc que la fusion-absorption entraine la transmission de la responsabilité pénale de la société absorbée, à la société absorbante pour des faits commis avant la fusion.

Cependant, elle endigue son revirement aux seules fusions-absorptions entrant dans le champ d’application de la directive européenne susmentionnée, donc aux fusions de sociétés anonymes, et aux seules condamnations de nature pécuniaires. Aussi, par respect du principe de prévisibilité de la justice, l’application de cette jurisprudence est limitée aux opérations de fusions-absorptions conclues à compter du 25 novembre 2020. En l’espèce, la solution ne s’est pas appliquée à la société absorbante.

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