Disproportion du cautionnement et régime marital
Dans cette affaire en date du 24 mai 2018, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur l’application de l’article L.341-4 du Code de la consommation, relatif à l’engagement de cautionnement, devenu l’article L.343-4 avec l’Ordonnance du 14 mars 2016.
Selon le texte applicable à l’espèce, « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
En l’espèce, il s’agissait d’une société qui s’était portée caution des engagements d’une personne physique. Suite à la défaillance de cette personne dans le paiement de sa dette, la caution a été appelée, puis cette dernière a assigné la personne physique en paiement des sommes acquittées.
Le problème de Droit consistait à savoir si l’engagement de la caution personne morale à hauteur de 36000 Euros était manifestement disproportionné.
Cette somme était l’équivalent de deux ans et demi de revenus professionnels pour le requérant.
Selon la Cour d’Appel d’Aix en Provence, l’engagement de caution n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, au sens des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dès lors que son épouse, séparée de biens, perçoit un revenu fixe et est propriétaire d'un bien immobilier, ce qui lui permet de contribuer dans de larges proportions à la subsistance de la famille et d'assurer son logement.
Pour la Cour de cassation, ce raisonnement des juges d’Appel doit être censuré. En effet, pour la Chambre commerciale de la Cour de cassation, la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels.
C’est dans ces conditions que la Haute Cour juge que le cautionnement est manifestement disproportionné aux revenus de la personne cautionnée. Pour se justifier, la Haute Cour s’est appuyée sur la situation maritale du requérant.
C’est ainsi que la Cour d’Appel ne pouvait déduire que l'engagement de la caution était proportionné à ses biens et revenus du fait que son conjoint séparé de biens était en mesure de contribuer de manière substantielle aux charges de la vie courante.
Il s’agit là d’une appréciation logique et protectrice des intérêts juridiques des consommateurs. En effet, il a été surprenant de voir la Cour d’Appel retenir que l’engagement de cautionnement n’était pas manifestement disproportionné aux revenus du requérant, puisque la somme en question représentait tout de même deux ans et demi de salaires pour la personne qui a bénéficié de la caution.
Enfin, la personne étant mariée sous le régime de la séparation des biens, alors le juge devra prendre en compte que les revenus personnels de la personne qui a bénéficié du cautionnement pour estimer si oui ou non le cautionnement était manifestement disproportionné.
Cass. ; Com.; 24 mai 2018, n°16-23036
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