Reconnaissance du statut de salarié d’un chauffeur VTC
Dans un arrêt rendu le 10 janvier 2019 (n° 18/08357), la Cour d’Appel de Paris a jugé que la relation de travail entre un chauffeur VTC et la plateforme de réservation UBER devait être qualifiée de contrat de travail.
La Cour s’est prononcée sur le cas d’un chauffeur dont la société avait désactivé le compte, l’empêchant ainsi d’obtenir de nouvelles réservations. Il avait alors saisi la justice en juin 2017, mais le conseil de prud’hommes s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce.
Bien que sa définition ne figure pas dans les textes, le contrat de travail est communément défini comme étant « l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération ». L’existence d’un lien de subordination est exigée, ce dernier devant être caractérisé par un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’employeur envers le salarié.
En outre, l’article L. 8221-6 du Code du travail pose des présomptions d’absence de contrat de travail concernant certaines catégories de personnes. Les travailleurs indépendants inscrits au registre du commerce et des sociétés, comme le chauffeur VTC, en font partie. Cette présomption peut toutefois être renversée à la condition de rapporter la preuve d’un lien de subordination juridique permanent à l’égard du donneur d’ordres.
La qualification de contrat de travail ne dépend pas de la volonté exprimée des parties mais est déduite des conditions de fait de l’exercice de l’activité. Pour rendre sa décision, la Cour s’est donc fondée sur un « faisceau suffisant d’indices », l’existence d’un lien de subordination nécessitant une analyse très contextualisée.
Les juges ont estimé que l’activité du chauffeur ne remplissait pas les conditions essentielles caractéristiques d’une entreprise individuelle indépendante. Ils retiennent que ce dernier n’était pas libre d’organiser son emploi du temps ni de fixer ses tarifs comme il le souhaitait. De plus, il n’était pas en mesure de constituer sa propre clientèle. Un “contrôle” de la part d’UBER serait en effet exercé sur le chauffeur. Le système de réservation inciterait à « rester connectés » par une désactivation de compte en cas d’absence de réponse à trois sollicitations successives.
C’est la première fois qu’une telle décision est prononcée à l’égard du géant UBER mais elle n’est pas isolée pour autant. La Cour de cassation avait déjà jugé, par un arrêt du 28 novembre 2018 (n° 17-20.079), qu’un lien de subordination était caractérisé entre un livreur et la société de livraison de repas Take Eat Easy, plateforme de réservation.
Le 13 décembre 2017, la Cour d’appel de Paris avait également estimé que la relation entre un chauffeur indépendant et la société de mise en relation Le Cab relevait du contrat de travail (n° 17/00349).
UBER s’est pourvu en cassation mais si la requalification en contrat de travail est confirmée, la décision fera date et sera lourde de conséquences pour la société.
Elle devra procéder à la régularisation du statut du chauffeur en accordant rétroactivement les bénéfices du salariat. La qualification de contrat de travail a notamment pour effet l’obligation de paiement de cotisations sociales, des congés payés ou encore le versement d’un salaire, conforme aux minima légaux et conventionnels.
Au travers de cette décision, c’est tout un modèle économique qui est remis en cause et une grande insécurité juridique risque de se développer. Toutefois les conditions de travail des coursiers travaillant pour ces grandes plateformes sont souvent précaires et l’accord du statut de salarié, bien que contraignant pour l’employeur, ne peut que les protéger contre les éventuelles dérives du système.
Cour d'appel de Paris - 10 janvier 2019 - n° 18/08357
Cour de cassation - Chambre sociale - 28 novembre 2018 - n° 17-20.079
Cour d'appel de Paris - 13 décembre 2017 - n° 17/00349
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