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Précision sur les conditions de réexamen d’une demande d’asile par la CNDA

Le 04 juillet 2019
Précision sur les conditions de réexamen d’une demande d’asile par la CNDA

Par une décision du 15 mars 2019, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a jugé que constitue un fait nouveau, la suspension par un juge administratif de l’exécution d’une mesure d’éloignement ouvrant droit ainsi à l’intéressé à un réexamen de sa demande d’asile.

Un homme de nationalité turque et d’origine kurde craignait d’être exposé à des persécutions ou à une atteinte grave du fait des autorités turques en lien avec son engagement politique et militant auprès des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

L’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) énonce que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Quant à l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, dispose que doit être considéré comme réfugié, toute personne qui « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Aussi, toute personne qui encourt des risques en cas de retour dans son pays d’origine bénéficie de la protection internationale.

C’est dans ce cadre, que l’intéressé a fait une demande d’asile qui a été rejetée deux fois par le directeur général de l’Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La condition usuelle requise pour réexaminer une demande est l’apport d’éléments nouveaux (situation personnelle de l’intéressé ou un changement de la situation du pays de renvoie postérieure au rejet de la demande d’asile).

Par une décision du 15 mars 2019, la Cour nationale du droit d’asile a considéré comme élément nouveau, la suspension de l’exécution d’une mesure d’éloignement par le juge administratif confirmée par ordonnance par le Conseil d’Etat. La CNDA était donc tenue d’apprécier à nouveau l’ensemble des faits qui lui étaient soumis.

Pour fonder sa demande d’asile, le requérant a fait état des risques qu’il encourait en cas de retour dans son pays d’origine (la Turquie) dû à son militantisme auprès du Parti des travailleurs du Kurdistan.

A cet égard, la situation est toujours conflictuelle entre ce parti et les forces de l’ordre en Turquie puisqu’une « opération conjointe avec l’Iran » à la frontière orientale contre les rebelles kurdes du PKK a été lancée par le gouvernement (Turquie Opération turco-iranienne inédite contre le PKK, Libération, 18 mars 2019).

En l’espèce, l’intéressé a évoqué sa participation à un rassemblement en 2014 en soutien à la cause kurde durant lequel il a été arrêté par les forces de l’ordre et a vécu par la suite de mauvais traitement en détention portant atteinte à sa dignité.

A cet égard, la Cour, se fondant sur le bulletin de liaison et d’informations de l’Institut kurde de Paris d’octobre 2014, rappelle qu’un homme avait été tué par les forces de l’ordre au cours d’un rassemblement. De plus, de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les combattants du PKK ont été rapportés (Laura-Maï Gaveriaux, La sale guerre du président Erdoğan, Le Monde Diplomatique, Juillet 2016).

A titre d’illustration, le rapport annuel d’Amnesty International de 2014 dénonce les dérives autoritaires du régimes turques en ce que : « Les autorités ont bafoué les droits de manifestants pacifiques en interdisant les rassemblements de protestation, en les empêchant ou en déployant des policiers afin qu'ils les dispersent au moyen d'une force excessive, injustifiée et souvent à vocation punitive » appuyé par le rapport du Département d’Etat américain sur la pratique des droits de l’homme en Turquie (2014) qui signale la mort de 45 manifestants causée par les forces de l’ordre.

Compte tenu de cette situation, la CNDA a reconnu la qualité de réfugié à l’intéressé pour risque de persécution compte tenu de ses opinions politiques.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 3 juillet 2009 M Thiam n° 291855 B ; 6 février 2013 Mme Pakiyanathar n° 353807 C). Aussi, si les deux ordonnances rendues respectivement par le tribunal administratif et le Conseil d’Etat ne s’imposent pas au juge de l’asile, la Cour reste tenue de procéder à un réexamen de l’ensemble des faits soumis à son appréciation.

 

CNDA le 15 mars 2019 M. C. n°18032737