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La possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales : atteinte à un droit fondamental

Le 21 mai 2021
La possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales : atteinte à un droit fondamental

Par une ordonnance du 5 mars 2021, le Conseil d’Etat vient rappeler le caractère fondamental du droit au procès équitable en considérant comme contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention EDH) la possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales.

Depuis la crise sanitaire, les visioconférences sont quasi-omniprésentes, dans la vie professionnelle comme dans la vie privée en raison des restrictions de déplacement. Afin de s’assurer sa continuité en dépit de l’épidémie de covid-19, la justice n’échappe pas à cette tendance.

Ainsi, l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale confère au juge la possibilité d’imposer le recours à des moyens de communication électronique, y compris téléphonique, devant l’ensemble des juridictions pénales autres que criminelles. Sont visées ainsi « le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels, les juridictions spécialisées pour juger les mineurs en matière correctionnelle, ou lors du débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire ou à la prolongation de cette détention ». Autrement dit, le juge peut imposer la comparution ou le débat contradictoire en vidéoconférence sans qu’il y ait nécessairement le consentement du prévenu.

Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et autres saisissent le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de ledit article. Ils soutiennent qu’une telle mesure porte une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la convention EDH. En effet, ce droit fondamental implique non seulement le droit d’être entendu par un tribunal indépendant et impartial, mais également le droit de se défendre en personne.

Bien que le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle, établi par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, a été validé par le Conseil constitutionnel comme suffisant pour garantir un procès juste et équitable, ce dernier est soumis à certaines conditions (Conseil constitutionnel, Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003). Telle est le consentement du justiciable.

De son côté, le gouvernement soutient que l’activité des juridictions pénales essentielle doit pouvoir continuer malgré l’épidémie de covid-19. Ainsi, au regard à des mesures restrictives de déplacement actuelles, les moyens de télécommunication, audiovisuelle ou téléphonique, doivent être privilégiées.

Le Conseil d’Etat rappelle l’importance de la garantie de la présentation physique du justiciable devant les juridictions pénales. Cette dernière ne peut donc pas être écartée par le contexte de la lutte contre l’épidémie de covid-19, en l’occurrence lorsqu’elle n’est soumise à « aucune condition légale » et n’est pas encadrée par « aucun critère ». Ainsi, l’article 5 de l’ordonnance attaqué, portant atteinte au droit au procès équitable, est illégal. En considérant néanmoins que l’annulation de ledit article peut avoir des conséquences excessives en raison des effets rétroactifs, le juge invite les parties à présenter des observations sur ce point dans un délai d’un mois à compter de la notification.

Dans ce sens, ce même article a été déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel au motif qu’il porte atteinte aux droits à la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Conseil Constitutionnel, décision n° 2020-872 QPC du 15 janvier 2021).

De même, le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu les dispositions d’une autre ordonnance du 18 novembre 2020 autorisant le recours à la visio-conférence, pendant le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats, sans l’accord de l’accusé (Conseil d’Etat, ordonnance du 27 novembre 2020). Il estime que cette mesure porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.

Par conséquent, cette décision permet de rappeler une suite de jurisprudence constante ainsi que le caractère fondamental du droit à un procès équitable, ce qui ne peut pas être dérogé même en période de crise sanitaire.

 

Conseil d’Etat, Ordonnance du 5 mars 2021, n° 440037.

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