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Les impacts de la crise sanitaire sur le droit à la vie de famille

Le 21 mai 2021
Les impacts de la crise sanitaire sur le droit à la vie de famille

Le regroupement familial est une procédure permettant à un étranger se trouvant déjà en France de faire venir sa famille résidant toujours dans le pays d’origine. Mais depuis le 18 mars 2020, les familles sont dans l’impossibilité de se voir délivrer un visa pour les rejoindre.

Par une ordonnance du 21 janvier 2021, le juge des référés du Conseil d’Etat suspend la décision du Ministre de l’intérieur du 18 mars 2020 d’enjoindre les autorités consulaires de ne plus délivrer de visa au titre du regroupement familial en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19 afin de limiter la circulation des personnes.

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, neuf associations dont la CIMADE ont ainsi saisi le Conseil d’Etat en sa qualité de juge des référés afin d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du Ministre de l’Intérieur de demander aux consuls de ne pas enregistrer ou d’instruire les demandes de visa long séjour de réunification familiale au titre de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Les requérants soutiennent à l’appui de leur demande d’annulation que la suspension de délivrance de visa n’est ni nécessaire, ni proportionnée au regard de l'atteinte qu'elle porte au droit à une vie familiale normale protégé par l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant de 1989.

Par une ordonnance du 21 janvier 2021, la plus haute autorité administrative retient cette appréciation en considérant que « l'atteinte portée au droit à la vie familiale normale de l'ensemble des intéressés et à l'intérêt supérieur des enfants en cause perdure de manière continue depuis plus de dix mois ».

Il faut rappeler que la possibilité pour l’étranger se trouvant déjà en France de faire venir sa famille dans le but de maintenir la vie de famille a été consacrée dans un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, Abdulaziz c. Royaume-Uni de 1985 (req n° 9214/80; 9473/81; 9474/81) qui rappelle que les étrangers doivent pouvoir jouir d’une vie de famille normale et effective au sens de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, le juge administratif a déjà été amené à l’utiliser dans le but d’autoriser une procédure de regroupement familial notamment en matière de Kafala où le juge a pris en compte non pas le lien de filiation, mais la délégation d’autorité parentale (Conseil d’Etat, HOCINI, 2010).

De son côté, l’argument du gouvernement afin d’interdire de façon systématique la délivrance des visas était de limiter la circulation des personnes et donc les risques sanitaires de contamination.

Le juge des référés dans sa décision relève que comparé à des flux massifs liés par exemple au tourisme, les déplacements au titre du regroupement familiale sont minimes, environ 400 personnes par semaine contre des millions d’autres ne faisant l’objet d’aucune dérogation.

Il relève de plus, la carence de l’administration qui ne démontre pas dans quelles circonstances le flux généré par le regroupement familiale pourrait contribuer de manière significative à une augmentation du risque de propagation de la COVID-19. D’autant plus que ces personnes seraient soumises à des mesures renforcées en terme de dépistage et d’isolement afin d‘éviter tout risque.

Ainsi, la plus haute autorité administrative constate la disproportion des mesures au regard des réels risques du regroupement familial et que « l'administration (…) n'apporte pas d'élément permettant de regarder le flux en cause, minime au regard de la population du pays, comme étant de nature à contribuer de manière significative à une augmentation du risque de brassage et à un risque de contamination exponentielle ».

Cette décision est intéressante car témoigne de la volonté du Conseil d’Etat, même en période de crise sanitaire, de ne pas voir des droits fondamentaux tel que le droit de mener une vie de famille et l’intérêt supérieur de l’enfant mis à mal face à la nécessité de gestion de crise mais appelle à une volonté de proportion et de conciliation de la part des autorités administratives.

 

Conseil d’Etat, N° 447878, 447893, 21 janvier 2021

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