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Le refus de délivrance de visa en période de crise sanitaire : une atteinte à la liberté de se marier

Le 21 mai 2021
Le refus de délivrance de visa en période de crise sanitaire : une atteinte à la liberté de se marier

Par une ordonnance du 09 avril 2021, le Conseil d’Etat vient rappeler le caractère fondamental de la liberté du mariage en considérant comme disproportionnées les restrictions apportées au mariage entre un étranger et un ressortissant français en raison du risque de propagation du virus.

Depuis la crise sanitaire, la possibilité pour les étrangers de venir en France afin de se marier avec un ressortissant français s’est trouvée strictement limitée aux vues des risques sanitaires.

En effet, depuis la Circulaire N°6245/SG du Premier Ministre du 22 février 2021 les déplacements transfrontaliers ne sont possibles uniquement sous réserve de dérogation justifiée par un motif impérieux or le droit de se marier n’en fait pas partie.

Par requête enregistrée le 21 mars 2021, l’association de soutien aux amoureux au ban public et plusieurs couples de binationaux saisissent le Conseil d’Etat en qualité de juge des référés afin d'obtenir que le mariage soit rajouté "aux motifs impérieux permettant de rentrer sur le territoire français".

Ils soutiennent que la circulaire porte une atteinte disproportionnée au droit au mariage et au droit de mener une vie familiale normale. En effet, par l’absence de prise en compte systématique de leurs situations, les requérants se retrouvent dans l’impossibilité de concrétiser leur projet matrimonial prévu à des dates très proches.

Le juge relève tout d’abord que la condition d’urgence du référé est remplie en ce que les démarches en vue du mariage ont été effectuées (publication des bans, certificat de non-opposition délivré) et que deux des mariages sont prévues à des dates très proches.

Le juge reprend ainsi les arguments des requérants en considérant que l’empêchement pour ces personnes de se marier crée une situation d’urgence en ce qu’ils sont empêchés de mener une vie privée et familiale normale au sens de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

De son côté, le Ministre de l’Intérieur soutient qu’il existe une possibilité de dérogation mais uniquement dans le cas où l’étranger qui envisage de se marier avec un ressortissants français démontre une impossibilité de se marier dans son pays de résidence.

Sur cet argument, le Conseil d’Etat soulève qu’aucun texte, ni principe ne prévoit la possibilité pour un étranger d’entrer en France en vue de se marier avec un étranger à la seule et unique condition que le couple soit empêché juridiquement de célébrer le mariage à l’étranger. Ainsi, cette condition ne peut être exigée de la part de l’administration.

Il relève de plus, qu’au regard du nombre minime de couples concernés, la délivrance de visa n’est pas susceptible d’avoir un impact sur la situation sanitaire en France. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de consacrer ce raisonnement concernant les refus de délivrance de visa pour regroupement familial dans le cadre de la crise sanitaire afin de limiter les flux (Conseil d’Etat, ordonnance du 21 janvier 2021, N° 447878).

Par ces constats, le juge des référés conclut à une absence de proportion des mesures prises par le Premier Ministre en ce qu’elles ne prévoient aucun examen systématique des demandes de visa pour ce motif et porte atteinte au droit au mariage des requérants.

La nécessité de bonne mise en œuvre de ce droit doit donner lieu à une exigence de dérogation même en cette période de crise sanitaire car le fait de refuser la délivrance des visas de manière systématique en raisons de potentiels risques condamne les demandeurs à une incertitude quant à la possibilité de se marier ou non.

Cette décision permet ainsi de rappeler le caractère fondamental de la liberté du mariage consacré à l’article 12 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et en tant que composante de la « liberté personnelle » au sens des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.

La décision du juge est en conséquence plus que bienvenue car permet de rétablir des droits mis à mal durant cette crise sanitaire et s’inscrit dans une volonté de conciliation du Conseil d’Etat par un contrôle de proportionnalité.

 

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