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REVIREMENT DE JURISPRUDENCE SUR LA PROMESSE D'EMBAUCHE ET NOUVELLE INSECURITE JURIDIQUE POUR LES EMPLOYEURS

Le 07 mars 2018
REVIREMENT DE JURISPRUDENCE SUR LA PROMESSE D'EMBAUCHE ET NOUVELLE INSECURITE JURIDIQUE POUR LES EMPLOYEURS
La Cour de cassation change sa jurisprudence et considère qu'un document écrit où sont marqués le poste, le lieu de travail et la rémunération ne constitue pas forcément une promesse d'embauche valant contrat de travail mais peut devenir une offre


Un club de rugby avait fait des propositions de contrats de travail à deux joueurs professionnels le 25 mai 2012 avant de les rétracter le 6 juin 2012. A chacune de ces propositions était jointe une convention qui prévoyait l’engagement pour la saison sportive 2012/2013 avec une option pour la saison suivante, une rémunération mensuelle brute, la mise à disposition d’un logement et d’un véhicule ainsi qu’un début d’activité fixé au 1er Paris, 9 octobre 2017 juillet 2012.

En dépit de la rétractation du club, les deux joueurs avaient renvoyé au club les offres d'embauche signées respectivement les 12 et 18 juin 2012. Le club ayant refusé de donner suite à ces offres d’embauche, les deux joueurs avaient réclamé en justice la reconnaissance de l’existence de contrats de travail à durée déterminée et le paiement de dommages et intérêts pour rupture injustifiée de ces contrats de travail.

Les cours d’appel avaient, l’une et l’autre, donné gain de cause aux deux joueurs et condamné le club au paiement d’une indemnité à titre de rupture abusive du contrat de travail, considérant que les promesses d’embauche valaient contrat de travail à partir du moment où elles prévoyaient bien l’emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d’entrée en fonction. Ces deux arrêts étaient conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait alors cours jusque-là. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation jugeait systématiquement que le simple fait, pour l’employeur, de proposer à une personne déterminée un emploi et une date d’entrée en fonction était une promesse d’embauche qui valait contrat de travail .

Les deux arrêts de cour d’appel n’en sont pas moins cassés par deux décisions rendues le 21 septembre 2017 par la Cour de cassation, qui considère que les propositions faites aux deux jours n’étaient que de simples offres de contrats de travail, librement révocables et non des promesses d’embauche.

Il s’agit donc d’un revirement de jurisprudence, auquel la Cour de cassation entend donner la publicité maximum puisqu’ils sont estampillés « PBRI ». Ce revirement de jurisprudence s’explique essentiellement par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations même si elle n’était pas applicable aux faits de l’espèce.

Cette ordonnance distingue, en effet, l’offre de contracter, acte juridique unilatéral, de la promesse unilatérale de contracter, avant-contrat constitutif d’un véritable contrat. Ce faisant, elle va dans le sens des chambres civiles et commerciales de la Cour de cassation, qui, pour leur part, ont toujours fait cette distinction.

La chambre sociale s’aligne donc sur l’ordonnance et rompt avec sa jurisprudence dissidente. C’est ce qui ressort clairement des deux arrêts du 21 septembre 2017, qui distinguent les deux cas de figures dans les termes suivants : « L’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur. »

Dans ce premier cas, l’auteur de l’offre peut rétracter son offre tant que le destinataire ne l’a pas acceptée. Il pourra néanmoins voir sa responsabilité extracontractuelle engagée si la rétractation est intervenue dans le délai imparti au bénéficiaire. « En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis. » Dans ce deuxième cas, l’auteur de l’offre est lié dès lors qu’il adresse la promesse, toute rétractation étant alors sans effet dès lors que l’accord du salarié intervient dans le délai qui lui était imparti.

Pour autant, la distinction entre « offre d’emploi » et « promesse d’embauche » est loin d’être évidente dans la mesure où, dans un cas comme dans l’autre, le contenu du document est le même et comprend l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction. Il semble que la distinction porte davantage sur l’intensité de l’engagement de l’employeur.

L’offre de contrat de travail ne doit exprimer que la volonté de son auteur de conclure un contrat de travail, alors que la promesse unilatérale ne doit laisser au bénéficiaire que le choix d’accepter ou non l’offre (ce que la Cour de cassation nomme « droit d’option »).

En pratique, les employeurs risquent d’éprouver les plus grandes difficultés pour apprécier cette subtile distinction. Il faudra, de toute évidence, attendre les prochains arrêts pour mieux l’apprécier et se montrer particulièrement prudent pour ne pas tomber, sans le vouloir, dans la promesse de contrat de travail.

Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.951; Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-14.258 

Cass. soc. 21 septembre 2017, n°16-20.103 et 16-20.104 

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